Introduction
Les 19, 20 et 21 Août 2021, me voilà embarqué dans une folle aventure, éreintante, passionnante et pleine de magie, où l’on passe par des états tous plus différents et extrêmes les uns des autres. Me voilà donc sur les traces de Gaëtan FURON mon ami, qui s’élance sur le Grand Raid des Pyrénées Ultra Tour 160km 2021.
Je serai donc – avec Lydie, Dylan et Marley – son assistant pour ces 3 jours. Cela n’est pas la première fois que je l’accompagne sur ses courses, nous avons notamment été en Corse pour l’Ultra Trail di Corsica 110km ainsi qu’à la CCC à Chamonix 101km, mais là on joue à domicile et la distance à parcourir est de loin plus impressionnante ! 160km et 10 000m de dénivelé positif, des chiffres qui font peur ! Mais Gaëtan est entraîné et plus que jamais motivé pour accomplir cette tâche qui l’attends, alors maintenant, à nous la pression de l’assistance, on va devoir assurer !
La suite de cet article ne sera mon récit, il s’agit de celui de Gaëtan, écrit quelques jours après sa course. Un récit plein d’émotions, des plus négatives aux plus positives, plein de douleurs mais aussi plein de joie et de compassion.
Mon rôle ici sera de compléter son récit avec les photos que j’ai prises tout au long de ces 3 jours à le suivre, 3 jours pendant lesquels mon lit ne m’aura jamais autant manqué 😉
Avant la course
« Août 2021, Grand Raid des Pyrénées, mon premier 100 miles…
Cette aventure naît à l’hiver dernier, quand au moment de préparer ma saison 2021 et de choisir les courses sur lesquelles je vais m’engager, je décide avec un grand brin de folie de cocher l’Ultra 160 du GRP. C’est décidé ce sera mon objectif numéro 1 pour l’année à venir.
Après huit mois de préparation et un Ultra aux Canaries (Trans Gan Canaria) fin février me voilà de retour à Vielle Aure en ce jeudi 19 Août, là où mon histoire avec l’Ultra Trail a commencée en 2016 sur le Tour des Cirques. Johan mon plus fidèle assistant m’accompagne, installation, sieste, retrait du dossard, petit footing, préparation du sac et des différents ravitaillements, ma journée est bien rythmée. Dylan et Lydie nous rejoignent le soir, ça y est mon équipe d’assistance est au complet. »


Vendredi 20 Août 2021 : début de la course
3h15 : Pla d’Adet
« Le réveil sonne. J’ai, pour une fois, bien dormi. Un bon petit déjeuner, une douche, une dernière vérification du sac, les consignes à mes assistants, pas encore forcément tous bien réveillés et l’envie pressante de se retrouver sur la ligne de départ. Je trépigne, fait les 100 pas dans le petit appartement du Pla d’Adet et vers 4h20 nous prenons enfin la direction de l’arche de départ. »
04h45 : Vielle Aure
« Me voilà au milieu des 600 autres fous furieux qui se lancent dans cet immense défi. Il fait relativement bon, le speaker donne le ton de la course en nous annonçant qu’il y aura 168 kms et non pas 160, tout le monde se concentre et c’est au son de Viva la Vida de Coldplay que le grand départ est donné à 5h du matin. Cette musique me donne des frissons, elle me fait presque oublier le chantier qui nous attend.

7h17 : Col du Portet
« Une première partie de course bien gérée, un rythme assez tranquille pour se placer dans le premier tiers du peloton et pas de changement de rythme. Nous enchaînons successivement la montée du Pla d’Adet puis du Col du Portet. La mer de nuages est magnifique, annonciatrice d’une très belle journée ou nous risquons de souffrir de la chaleur. En haut ma team m’attend, je ne m’attarde pas, prenant juste le temps de recharger mes bidons. 14.3kms de parcourus et une 82ème place provisoire sur ce GRP Ultra Tour 160km. »








8h26 : Col de Bastanet
« Lacs du Bastan, un de me endroits préférés parmi tous ceux que je connais dans les Hautes Pyrénées. Une beauté indescriptible, des lacs à perte de vue, je me sens tellement bien dans ce décor féerique. J’arrive en haut du Col de Bastanet après 3h25 d’efforts, la vue est sensationnelle. Je suis 74ème et me sens en très grande forme, je me régale vraiment dans ce début de course. »
10h24 : la folie La Mongie
« Refuge de Campana, lac de Gréziolles, lac de Caderolles et enfin la terrible ascension du Serpolet avant d’apercevoir le premier ravito solide dans la station de ski. Je gère à nouveau parfaitement cette partie que je connais très bien, je me sens facile que se soit en montée ou dans les parties plus roulantes. Le Serpolet commence à faire des dégâts, beaucoup de concurrents s’arrêtent, je garde quant à moi un rythme très régulier même si les mollets commencent à bien chauffer. Je sais que juste derrière je vais retrouver mon équipe et pouvoir prendre un premier ravito consistant. Dans la descente je sympathise avec deux autres coureurs, on se branche sur nos préférences en matière footballistiques, avec la chance que j’ai je tombe bien évidemment sur un supporter du PSG… Personne n’est parfait que voulez-vous !!! L’ambiance est vraiment sympa, du monde, des encouragements, des visages connus, un bon arrêt aux stands avec ma triplette infernale et me voilà reparti direction le Pic du Midi, point culminant de la course du haut de ses 2889m d’altitude. »


13h02 : Pic du Midi de Bigorre
« Coume l’Ayse, Coume de Sencours, Courade Verde, passage une première fois par le col de Sencours et ascension finale du Pic du Midi de Bigorre. Le menu depuis la Mongie est plutôt copieux. J’ai la chance d’être accompagné par Fred et Yoann qui jouent le rôle de lièvre sur cette partie de course. La chaleur est de plus en plus forte, je profite de la montée pour consulter pour la première fois mon téléphone. Les messages d’encouragement me font chaud au cœur, notamment ceux de ma petite infirmière qui n’a pu être présente à mes côtés pour raisons professionnelles. Ça fait du bien de ne pas se retrouver seul, de pouvoir donner mes premières impressions de course et de rigoler avec Fred et Yo. Malgré la bouteille de riflon de la veille ils sont en forme et le rythme est soutenu. Je marque une petite pause au passage à Sencours, discute avec Johan, Dylan et Lydie puis avec des amis présents sur le ravitaillement. Il reste 3.5 kms pour atteindre le sommet, j’adore tellement cette partie, j’en connais tous les virages, maîtrise tous les cailloux. Je double quelques coureurs, beaucoup sont déjà en train de redescendre. L’ambiance est vraiment chaleureuse. Arrivée au sommet à 13h02, après 8h de course je bascule en 83ème position après avoir pris le temps de discuter avec Babas, photographe de l’ESHA, je boucle la descente en à peine 24 minutes. »



13h26 : Sencours retour
« Ravitaillement, changement de tenue, la team est au top avec moi. Je prends mon temps avant de m’élancer sur une partie qui nous verra enchaîner successivement 4 cols. Le prochain ravito étant à quasiment 20 kilomètres de là je me dois de rester prudent et de ne pas céder à l’euphorie malgré un super début de course. Dylan et Marley (c’est le chien) effectuent le premier kilomètre de descente avec moi avant que je ne m’envole (tout est relatif) vers de nouvelles cimes. »





15h49 : Col de Bareilles
« Après avoir passé sans encombre les cols de la Bonida et d’Aoube, j’enchaîne avec la descente vers les lacs Vert et Bleu. Mes jambes sont vraiment bonnes et le moral au beau fixe. Je pense vite arriver au pied de Bareilles mais à ma grande surprise les organisateurs nous font faire tout le tour du lac Bleu par le côté gauche… Quel enfer !!! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué… Tant pis, je prends sur moi, reste dans ma bulle, la tentation d’aller faire un plouf dans ces eaux magnifiques est grande mais l’objectif à l’instant T est de faire une belle montée en haut de Bareilles. Je connais ce col par cœur. Court, sec, intense, raide, tout ce que j’aime en sorte. J’y ai amené Estelle il y a quelques semaines pour une de ses premières rando dans les Hautes Pyrénées. Elle m’avait vraiment impressionné dans la montée du lac Bleu avant de devoir prendre quelques pauses dans Bareilles. Je me moque un peu mais cette fille est vraiment épatante avec une volonté hors norme qui lui permet de réaliser de très belles choses dans la vie. Mais revenons à nos moutons, j’arrive en haut du col à 15h49, petite pause avant la descente. 10h49 de course et une 79ème place provisoire. »
18h01 : Hautacam, dans la douleur
« J’arrive dans la station d’Hautacam peu après 18h. Que m’est-il arrivé depuis Bareilles ? Pour faire simple, un ravito à Ourrec où nous avons eu juste le droit à une flasque d’eau, sachant que le dernier ravitaillement était à Sencours, une vache qui apparemment n’a pas apprécié ma présence dans le coin et qui a décidée de me charger, pas de mal mais une sacrée frayeur, et pour finir un terrible coup de chaud dans le Hourquette d’Ouscaou qui mène à Hautacam. Après 63 kilomètres parcourus je connais mon premier gros passage à vide. J’essaie de dormir, échec. J’essaie de m’alimenter, échec. Heureusement mon équipe d’assistance est aux petits soins, Johan me masse, on discute et Dylan décide de m’accompagner pour faire la descente jusqu’à Pierrefitte. Je souffre beaucoup de la chaleur et j’ai hâte que la nuit tombe. »




19h44 : Base de vie de Pierrefitte, euphorique… (mais jusqu’à quand ???)
« Avoir fait la descente avec Dylan m’a fait beaucoup de bien, j’ai pu récupérer des forces, rigoler et arriver à la première base de vie avec le sourire. L’objectif, là, est de recharger au max les batteries, de prendre le temps de se reposer avant d’attaquer la terrible partie de nuit. Une douche froide pour commencer et un nouveau changement de tenue. Je fais un peu le show avec deux bénévoles qui sont aux petits soins, l’ambiance est top, mes trois compagnons de route toujours aussi patients avec moi… Malheureusement je ne m’alimente pas bien, un de mes problèmes récurrent sur chacune de mes courses. Hormis des compotes et quelques fruits, je n’ai pas mangé grand-chose depuis ce matin… Je profite de cette pause pour appeler Estelle, ça me fait un bien fou de l’entendre, comme à son habitude elle me chambre et ses encouragements me donne beaucoup d’énergie pour la suite. 50 minutes après mon arrivée je repars de Pierrefitte le moral gonflé à bloc. Environ 25 kilomètres jusqu’à Cauterets sans voir mon équipe d’assistance, va falloir être solide… »




Samedi 21 Août 2021
0h36 : Cabanes de Conques, au plus mal
« Terrible épreuve que cette ascension vers Conques, après avoir vu ma lampe frontale me lâcher au beau milieu de la nuit, un énorme coup de fatigue générale va venir me frapper de plein fouet. Mes yeux se ferment tous seuls, je me sens complètement épuisé et je n’arrive plus à avaler quoi que ce soit. Je vomi après chaque gorgée d’eau et avance à un rythme vraiment très bas. Je décide même de m’allonger au bord d’un chemin pour essayer de dormir, nouvel échec. Sur la fin de l’ascension je m’accroche dans les pas de deux autres coureurs, chaque pas est un enfer et la montée ma paraît interminable. Arrivé tant bien que mal au ravitaillement je n’ai qu’une seule envie, dormir. Un petit lit de camp fera l’affaire, 20 minutes de sieste, un verre de coca (vomi une centaine de mètres plus loin) et je repars pour les 200 derniers mètres jusqu’au col. Heureux mais épuisé je commence la descente sur Cauterets, je n’avance quasiment pas, tout me semble difficile, Estelle continue à m’encourager au beau milieu de la chaude nuit mais rien n’y fait, j’ai juste envie de jeter l’éponge et de retrouver mon lit. Heureusement je rejoins Julien, qui est autant en difficulté que moi. Nous décidons d’aller ensemble jusqu’à Cauterets, quoi qu’il arrive on s’attendra jusqu’en bas. Je refais quelques pauses pour vomir, j’en ai mal aux tripes et mes jambes ont du mal à me porter. Notre rythme est vraiment très lent, on râle beaucoup, on rigole de temps en temps, le fait d’être deux nous fait un bien fou mais il nous tarde une seule chose à tous les deux, dormir ! »
3h40 : Cauterets, je suis enfin dans le néant
« 7h après mon départ de Pierrefitte me voilà enfin arrivé à Cauterets. Jamais dans mon expérience de traileur je n’avais eu à vivre moment aussi difficile, aussi traumatisant, aussi éprouvant tant physiquement que moralement. Je suis au bord de l’épuisement. Mon corps est blessé et mon esprit n’envisage pas de poursuivre l’aventure. Je ne parle quasiment pas, Johan, Dylan et Lydie m’encouragent tant bien que mal mais quelque chose est cassé. Je veux juste dormir. 35 minutes allongé dans le camion, je me réveille toujours aussi mal, les muscles mâchés par l’effort, le cerveau à l’envers, avec une putain d’envie de tout envoyer balader. On se retrouve tous les quatre dans le camion. Je mange tant bien que mal un peu de jambon, de taboulé, de fruits… J’ai envie de rien malgré les efforts de mes trois amis. Quelle patience ils ont avec moi, quelle bravoure, ils cherchent vraiment les meilleurs mots pour me relancer, me font rire. Massage, perspectives pour la suite de la course, photos, sans m’en rendre compte je suis en train de vivre un moment merveilleux, un de ceux que vous gardez à jamais au fond de votre cœur. Ils sont tout simplement exceptionnels, je ne mesure pas suffisamment la chance que j’ai de les avoir avec moi. Cette solidarité me touche, j’arrive à retrouver un petit peu mes esprits puis merde je ne me suis pas préparé aussi longtemps pour faire seulement 100 kilomètres. Si le cerveau veut les jambes vont bien se remettre à tourner. C’est dans cet état d’esprit que je décide de repartir de Cauterets, il est environ 5h15 du matin, une nouvelle course commence et mon seul objectif sera d’aller au bout quelque en soit les moyens. Johan, Dylan et Lydie font un bout de chemin avec moi, j’écris à Estelle pour lui dire que j’ai décidé de ne rien lâcher malgré la souffrance. De la musique et me voilà reparti à l’assaut de la station de Luz Ardiden. »





7h53 : Aulian, kilomètre 108
« Je ne suis pas du genre à croire au hasard, à la chance, à la magie, je suis plutôt du genre besogneux pour réussir à atteindre un objectif mais au petit jour en ce samedi 21 août je crois bien que la magie du trail est en train d’opérer. J’effectue les 9 kilomètres de la montée vers Aulian sur un rythme dingue, je n’ai plus mal nulle part et je retrouve un immense plaisir à enchaîner les premiers lacets de l’ascension puis un peu plus haut à jouer avec les cailloux qui tentent de me barrer la route. Je me sens de nouveau libre, vivant, léger, j’arrive au ravitaillement de Luz Ardiden à 7h53 après avoir doublé 24 concurrents dans la montée. J’ai effectué 108 kms de course en 26h52 et même mes assistants n’avaient pas prévu que j’arrive aussi vite. Les feignants sont en train de dormir dans le camion… Une bonne pause, hors de question de refaire les mêmes erreurs, je mange un peu, me fait masser les cuisses et les mollets, j’enfile également une veste pour éviter d’attraper froid. Le soleil est bien présent et je fais le nécessaire pour me mettre dans les meilleures dispositions avant de rejoindre la base de vie numéro 2 de Luz Saint Sauveur. Dylan sera à nouveau de la partie pour les 10 kilomètres de descente. »




10h15 : Base de vie Luz-Saint-Sauveur
« J’arrive à Luz Saint Sauveur après 29h et 15 minutes d’efforts. 116 kilomètres avalés et un moral retrouvé. Je refais une sieste d’environ 30 minutes allongé dans l’herbe après avoir pris le temps de me rafraîchir au jet d’eau. Beaucoup de concurrents sont là, 220 et 160 kilomètres réunis. Malgré le fait que j’ai une nouvelle fois du mal à m’alimenter je me sens plutôt bien, revigoré et motivé à voir le bout du chantier. Quasiment une heure de pause à nouveau, massage, et je décide de repartir vers Tournaboup à 11h18. Hormis une blessure je sais à présent que rien ne m’empêchera d’aller chercher ce statut de finisher. »




15h05 : Tournaboup, kilomètre 134
« 18 kilomètres en solo, à doubler, chanter, sourire en plein cagnard. Cette partie de course est relativement longue mais je me sens extrêmement bien dans toutes les bosses et relance dès que possible sur plat et en descente. Toujours beaucoup de messages de soutien, je suis vraiment touché par tant de sollicitude. Estelle ne me lâche toujours pas, j’ai la sensation par moments qu’elle court même à me côtés. Je bois beaucoup, il a très peu d’air et certains passages ne sont pas du tout ombragés. Mon équipe d’assistance m’attends déjà à Tournaboup, je sais qu’ils ont besoin de repos mais j’insiste pour qu’un des trois viennent me rejoindre avec de l’eau car je suis quasiment à sec. A deux kilomètres du pointage, Lydie arrive en courant, j’ai réussi à recharger mes bidons entre temps mais suis très heureux de la voir et de faire les derniers hectomètres avec elle. J’arrive en 150ème position au carrefour de ce GRP ou s’entrecroisent 4 courses, 220, 160, 120 et 80 kilomètres. Beaucoup de monde, super ambiance. On arrive à trouver un petit coin d’ombre, je m’aliment comme je peux. La team arrive à me faire manger un pot pour bébé à base de carottes, semoule et dinde… Dans quel monde on est là ??? Un nouveau massage, une pause bien méritée et à présent c’est Johan qui va me servir de lièvre dans la montée jusqu’à la Hourquette Nère en passant par les cabanes d’Aygues Cluses. 9 kilomètres de montée, dernière grosse difficulté du parcours, 30 kilomètres de l’arrivée. »
17h49 : Hourquette Nère
« 4 premiers kilomètres dans les pas de Johan qui malgré sa fraîcheur a du mal à me décrocher. Je me sens efficace dans toutes les montées et je suis super heureux de partager ce bout de chemin avec lui. Il y a énormément de coureurs avec des dossards de toutes les couleurs. Noir (220), Rouge (160), Vert (120), Bleu (80). J’en double énormément, je ne sais pas comment mon corps, mes jambes font pour avancer aussi vite après autant d’efforts. La préparation pour cet événement est vraiment en train de payer. A mi-parcours Johan fait demi-tour afin d’être dans les temps pour mon passage au Merlans, j’ai l’immense plaisir d’être revenu sur Ghislain, un ami, qui est engagé sur le 80 kms. On fait un petit bout ensemble et je m’échappe pour finir mon ascension. Pas d’arrêt à Aygues Cluses, il me reste 2.5 kms avant le sommet. La Hourquette Nère est une difficulté importante, courte mais avec un fort pourcentage. Beaucoup de coureurs y sont en difficulté. Comme depuis le début de la course j’arrive à maintenir un bon rythme sans m’arrêter et faire la bascule à 17h49. Je suis remonté à la 138ème place. »
19h54 : Restaurant Merlans
« Après la Hourquette Nère nous avons successivement longé les lacs de Port Bieilh, de Coste Oueillere et enfin de l’Oule. Une partie de course escarpée, difficile où il aura fallu beaucoup relancer. Ghislain est revenu sur moi puis m’a dépassé. Je commence à en avoir plein les baskets, je discute avec pas mal de concurrents mais la fatigue et la tension nerveuse sont palpables. Le restaurant Merlans marque le dernier pointage avant l’arrivée, j’y arrive en 127ème position. Un peu de pastèque, j’enfile mes manchons, il ne fait pas très chaud et repars avec Ghislain direction le col du Portet. Peu avant le sommet nous sommes rejoins par Johan, Dylan, Lydie et Marley. Je me ravitaille légèrement, prends ma frontale et partage un moment sympa avec Laurent un ami lotois, traileur et lui aussi ancien joueur de Cahors Foot. Dylan va m’accompagner dans cette dernière descente. Au final il aura parcouru 35 kilomètres de descente à mes côtés depuis hier. Enorme! La descente se fait en deux parties, la première est difficile même si l’on peut beaucoup courir sur les premiers kilomètres, des passages techniques nous attendent par la suite et la concentration doit être optimale. A la lumière de nos frontales nous rejoignons le très beau village de Soulan pour la deuxième partie, beaucoup plus roulante. Je préviens Estelle que c’est quasiment gagné, tous ses messages, appels, photos, vidéos m’auront permis de garder le cap et de trouver une folle énergie pour boucler ce parcours. »




22h20 : Vielle Aure, ligne d’arrivée
« Quel bonheur d’atteindre le village de Vignec, de retrouver le bitume et la civilisation. Bastien un très bon ami présent sur le 80 kms nous attends, nous terminons en courant tous les trois, il y a beaucoup de spectateurs, d’encouragements. Un dernier virage pour rejoindre le bord de la Nestes et un dernier chemin avant d’atteindre la place du village. Il est 22h20 en ce samedi 21 Août 2021, sous les acclamations du public, le speaker annonce mon arrivée en 123ème position. Je réponds à ses questions puis me dirige vers la zone de ravito pour récupérer ma veste et ma médaille de finisiher du GRP Ultra Tour 160km. La pression retombe, les messages de félicitations affluent. Je ne me rends pas vraiment compte de ce qui se passe. Je viens d’atteindre mon objectif de l’année et de boucler ce terrible parcours de 160 kms / 10 000m D+. La joie et la fierté sont immenses. Je suis heureux de retrouver mes assistants de choc ainsi que des amis présents sur les courses ou venus en simples spectateurs. Une trentaine de minutes en visio avec Estelle, je pense qu’elle est fière de moi, je n’ai pas envie de la laisser mais l’appel de la bière est plus fort… Je n’ai presque pas envie que tout cela se termine et pourtant si on m’avait dit à Cauterets que j’allais finir en aussi belle forme… Une aventure vraiment hors du temps s’achève, des souvenirs plein la tête. »



Le mot de la fin
« Par ces quelques mots, j’ai voulu vous faire partager ma course de l’intérieur. Vous montrez que pendant un Ultra Trail on a une quinzaine de vies différentes. Vous montrez surtout que seul on n’est rien. Car même si c’est moi qui court ou marche, toute cette aventure n’aurait pas pu bien se terminer sans la présence de toutes les personnes qui m’ont accompagné. Vous m’avez porté par vos mots, photos, appels. Par votre abnégation à me dire que je n’allais rien lâcher , je me suis senti fort et envahi d’une mission qui ne me concernait plus seulement à moi mais tous mes supporters. Face à la montagne, nous ne sommes rien. Nous sommes juste de passage, le trail permet d’écrire de belles histoires que l’on soit premier ou dernier, finisher ou que nous ayons abandonné, il nous uni dans l’effort, dans la difficulté, dans le plaisir. Le trail et la montagne nous rendent meilleurs.
Alors MERCI à vous tous d’avoir cru en moi, cette médaille est un peu la vôtre. Cette « victoire » est surtout celle d’une équipe d’assistance hors du commun qui m’a soutenu des premières aux dernières foulées. Vous avez juste été incroyables et rien de tout cela n’aurait pu se réaliser sans vous. Un immense merci d’avoir partagé cette aventure avec moi, d’avoir subi mes humeurs, mes caprices, d’avoir fait en sorte que tout soit plus facile pour moi. Je vous dois cette médaille.
Un grand MERCI également à toute l’équipe d’organisation, à tous les merveilleux bénévoles présents à nos côtés (dédicace spéciale à Julie) sans qui le trail n’existerait pas.
Et pour finir, un immense MERCI à toi Estelle, ma petite infirmière. Je n’ai pas suffisamment de mots pour décrire la force, le courage, la détermination que tu as réussi à m’insuffler dans cet immense défi. Tu as été exceptionnelle de bout en bout et je te dédie ce titre de FINISHER.
Grand Raid des Pyrénées 2021 , Ultra Tour 160… »
« Douter parfois, renoncer jamais, y croire toujours… »
Un petit traileur des Hautes Pyrénées